DESCENDANTS D'ALBERT & PAULE DUTARD-VACQUIER
Paule Vacquier (1864 – 1944) et son mari Albert Dutard (1859 – 1919), eurent quatre enfants.Je vais évoquer ici les trois premiers qui ont leur place dans le roman historique familial, chacun ayant connu dans sa vie un épisode peu banal.
FRATRIE DUTARD-VACQUIER
MADELEINE
Madeleine, 1884-1951, avait trente ans en 1914 et elle était célibataire.Elle se proposa pour être la marraine d’un soldat. C’est ainsi qu’elle eut un filleul, inconnu d’elle et de sa famille, avec lequel elle correspondit toute la guerre. Il était officier, médecin et célibataire.
Le hasard des mouvements de troupes sur les différents fronts fit que son oncle, le Capitaine André Vacquier, et ce filleul se croisèrent en février 1916.
Extrait d’une de ses lettres d’André à sa femme, Élisabeth : « […] Il est capitaine et fort gentil, du moins il m’a paru tel pendant les quelques minutes où je l’ai aperçu. Tu pourras le lui dire de ma part ; il n’est pas marié ce qui, pour Madeleine, pourrait faire un mari, ce serait très curieux. […] » La guerre terminée, marraine et filleul se rencontrèrent… et se marièrent !
N’ayant pu avoir d’enfant, ils adoptèrent une jeune fille d’une quinzaine d’années qui rentra par la suite dans les ordres, tout en conservant des relations avec eux.
JACQUES
Jacques, 1886-1967, fit carrière dans la diplomatie et, parmi ses postes, il fut Consul de France à Montréal de 1923 à 1925. Il dirigeait la Chancellerie qui couvrait un territoire plus étendu que l’Europe.Dans le cadre de ses fonctions, il commit des actes, certes légaux, mais qui le rendaient complice de contrebandiers qui violaient la prohibition américaine.
Je reproduis ici le passage de ses Mémoires qui relate les faits :
Aux affaires habituelles de toute grosse Chancellerie s’ajoutait la question des francisations de navires que j’ai été certainement le seul Consul à avoir à traiter aussi souvent en raison de la prohibition, alors en pleine vigueur aux États-Unis.
Pour essayer d’empêcher toute contrebande, les Américains avaient émis la prétention de visiter tous les navires, même en dehors des eaux territoriales. Les Anglais s’étaient soumis à cette décision exorbitante, mais non les Français. Cela permettait à nos navires d’approcher de plus près la côte américaine sans être visités. Alors, lesbootleggers[nom donné alors à ceux qui pratiquaient la contrebande d’alcool] eurent une idée : faire passer les goélettes américaines, canadiennes, anglaises ou autres sous pavillon français. En évitant la visite en plein Atlantique et en tâchant de s’y soustraire dans les eaux territoriales, ces contrebandiers pouvaient ainsi, sans trop de risques, débarquer leur marchandise prohibée en un point de la côte sous la surveillance débonnaire de douaniers et de policiers, d’ailleurs de connivence avec eux.
D’après le droit maritime, un navire ne peut être considéré comme français et arborer notre pavillon que si le capitaine, les officiers et les trois quarts de l’équipage sont Français. Là encore, lesbootleggersavaient résolu la question. La petite colonie française de Saint-Pierre-et-Miquelon, toute proche, était habitée par des pêcheurs bretons, excellents marins. On recrutait donc là très facilement les équipages de ces goélettes. Quant au capitaine, il y avait toujours un quelconque loup de mer français qui acceptait de prendre le commandement du navire, attiré par le gros bénéfice de l’opération. En cas d’arraisonnement, il ne risquait rien : on se contentait de confisquer l’alcool. Mais, avec seulement deux affaires réussies, c’était la fortune pour des capitaines aventureux et peu scrupuleux.
J’eus donc à procéder au moins à une dizaine de francisations de navires. Je n’ignorais pas, sans toutefois être censé le savoir, que les raisons qui motivaient ces actes administratifs n’étaient pas très pures, mais, après en avoir conféré avec le Consul général, je pensais, en toute conscience, que je n’avais pas le droit de m’opposer à de telles francisations. Après tout, on me présentait des papiers en règle ; je ne pouvais donc refuser de laisser la marine marchande française s’augmenter d’une unité de plus. Le seul ennui était que ces messieurs étaient toujours extrêmement pressés et là où il m’aurait fallu une semaine au moins pour établir toute la procédure, je devais leur dresser l’acte de francisation sur moins de 24 heures. Je le rédigeais donc à la hâte, leur laissant le soin de s’entendre avec mes dactylographes pour taper tous les papiers pendant la nuit. Je pense qu’elles devaient y trouver leur compte, car je n’eus jamais à enregistrer de leur part la moindre protestation.
Note : Ses
Mémoiresont été transcrites par Aline Kenedi-de Verteuil à l’initiative de Monique Dutard. C’est par son intermédiaire que j’en eu connaissance et qu’Aline m’en a gentiment adressé un exemplaire.
GENEVIÈVE
Geneviève, 1888-1975. J’avais, nous avions tous, beaucoup d’estime et d’affection pour Geneviève en raison de sa gentillesse et de sa belle personnalité. Elle habitait Londres et possédait à l’époque, d’abord en viager, puis en pleine propriété, le beau manoir du XVe, laGrande Borie, qui fut pendant près d’un siècle et demi le berceau sarladais de sa famille maternelle.
Son destin est peu commun et cocasse.
Geneviève, jeune Périgourdine, son Brevet Supérieur en poche, partit pour Londres, en dépit des très fortes réticences de ses parents. Elle avait dix-huit ans, nous étions en 1906, époque à laquelle, hormis dans de rares Institutions, les jeunes filles n’étaient pas préparées au Baccalauréat, ce qui l’avait beaucoup contrariée, me dit-elle un jour.
Elle s’installa au Home (maison) des institutrices françaises et donna des leçons de français. Devenue rapidement Secrétaire Générale du Home, elle y fut logée et un peu rémunérée. Puis, avide d’indépendance, elle s’installa dans une Boarding house (pension) près de Marble Arch, au centre de Londres.
Son frère Jacques l’y rejoignit en novembre 1912 pendant quelques mois pour parfaire son anglais avant de se représenter au concours des vice-consuls.
Récit rapporté par Jacques dans ses
Mémoires:
Le 22 décembre, deux jeunes institutrices anglaises venues passer les fêtes de Noël à Londres descendirent dans cette pension. Après le déjeuner, elles proposèrent de tirer les cartes. Geneviève et Jacques acceptèrent. Alors qu’elles ne les connaissaient pas du tout, elles leur dirent des choses étonnantes d’exactitude sur leur passé. Elles prédirent aussi leur avenir. À Geneviève, elles lui annoncèrent qu’avant la fin de l’année elle serait demandée en mariage, par un homme blond et par un brun, qu’elle ferait le bonheur du blond et le malheur du brun.
Le lendemain, alors que rien ne laissait présager quoi que ce soit, sauf l’imminence de Noël et de la suspension des cours, elle fut demandée en mariage par deux de ses élèves : un Anglais blond et un Roumain brun. Elle en fut bouleversée, au point que sur les conseils de son frère, elle partit en France pour réfléchir à ces demandes et prendre une décision dans le calme…
Elle épousa le blond en avril 1913 à Cambrai, ses parents habitant cette ville à l’époque !
Ils eurent quatre fils puis une fille. Leur deuxième fils est mort à l’âge de neuf ans, renversé par un bus.
Cet Anglais blond, Mason Pearson, 1883-1963, était le fils, puis le successeur, du créateur des célèbres brosses éponymes. Ces brosses, très chics et très chères, étaient faites avec des poils de sangliers d’Inde. Les poils des touffes avaient des longueurs différentes pour mieux pénétrer les chevelures.
Je passais parfois quelques jours chez eux avant ou après un séjour linguistique dans une famille anglaise trouvée par ma tante, qui me recevait toujours très gentiment.
Lors de mon passage en 1956, mon oncle, tout en caressant une de ses brosses (il en avait toujours une ou deux dans ses poches), me fit admirer
Le Cigare, cadeau de Sir Winston Churchill, qui trônait sur sa cheminée. Il me montra aussi des articles de presse qui parlaient des immeubles ultramodernes, mais très critiqués à ce titre, qu’il venait de faire construire dans le cœur historique de Londres. Puis, à ma demande, il accepta de me faire visiter son entreprise, ce qui stupéfia ma tante, car, personne jusqu’alors dans leur entourage n’avait obtenu cette faveur ! J’avais seize ans. Le souvenir de ma mère y était peut-être pour quelque chose.
Il m’emmena dans sa vieille Jaguar toute rouillée, assortie à sa tenue vestimentaire, puis me montra son usine qui possédait des équipements ultramodernes pour l’époque.
Alors que sa réussite et sa fortune faisaient à l’époque la une des journaux anglais et l’objet d’interventions à la Chambre des Communes, il imposait à sa famille, comme à lui-même, une vie très spartiate !
Leur fils aîné, Éric (1914 – 1987), largement adulte, possédait une belle voiture de sport… et une vieille guimbarde qu’il garait à quelques centaines de mètres de la maison de ses parents afin d’arriver chez eux avec un véhicule jugé convenable par son père, qui était aussi son employeur !
Note : Cette histoire d’Éric m’a été racontée par ma cousine Élisabeth Soulé-Gorsse qui a été conduite dans les deux voitures.
PIERRE
Pierre (1893 - ?). Je ne sais rien de lui sauf, par les lettres de mon grand-père, qu’il était son filleul bien aimé et qu’il était Officier de marine pendant la Guerre de 14-18.Note : Pour remonter d’une génération, Pierre-André Vacquier (1838 – 1883) et son épouse Ernestine Delala (1840 – 1929) eurent cinq enfants :
Marguerite (1862 – 1951), carmélite – Paule – Marthe (1866 – 1940), célibataire – Joseph (1868 – 1943), marié sans descendance - André (1873 – 1918) et son épouse Elisabeth de Cézac (1879 – 1950) eurent trois enfants : Jean (1903 – 1903), Germaine (ép. Gorsse) (1909 – 2005) – Marguerite (ép. Leroux) (1911 – 1941).
François Leroux
12 octobre 2025